Des difficultés peuvent provenir des circonstances tragiques de la perte, mais elles peuvent être aggravées par des ruptures dans la vie de la personne endeuillée (séparation, divorce, perte du travail) ou si le décès de l’être cher s’est produit de façon violente (accident, catastrophe, assassinat, morts multiples, disparitions, etc.), une circonstance du décès rend également le deuil plus difficile : c'est le cas du suicide, du deuil périnatal.
Des difficultés peuvent aussi naître de la nature de la personne disparue : le deuil d'un enfant est toujours très difficile même s'il était encore très petit ou non né, les deuils périnataux sont très difficiles à faire.
Le vécu du deuil pour un enfant, qui a perdu une personne de son entourage, varie en fonction de l’âge de l’enfant :
Très souvent, les enfants ont besoin de conserver un lien avec la personne disparue et il arrive fréquemment qu’on « surprenne » l’enfant parlant avec elle, parfois il mime cette mort. Ce ne sont pas des réactions anormales.
Les adultes doivent être à l’écoute des enfants : savoir les entourer, ne pas les exclure du temps de fin de vie, ni des cérémonies funéraires, leur expliquer avec des mots simples la situation, les déculpabiliser, les rassurer et leur permettre d’exprimer leur souffrance. Ils ont, eux-aussi, besoin de temps pour réaliser la disparition d’un être.
Un deuil de l’enfance (perte d’un parent, d’un frère ou une soeur) marque à vie surtout s’il a été recouvert d’une chape de silence car l’enfant risque de culpabiliser…
L’adolescence est une période à risque, car elle est, à elle seule, une période de deuil (deuil de l’enfance). C’est une période de transition riche de promesses et de troubles. Elle est dynamique et soutenue par un sens. Trouver sa propre identité. Elle implique : des transformations corporelles qui se font sans l’aide de personne, des transformations psychiques qui demandent l’aide de la famille et des pairs. Le jeune a besoin d’eux pour réussir son travail d’adaptation, de changement. Pour Freud « c’est la récapitulation de la première partie de la vie dans un contexte de domination physique génitale. « Les pulsions sexuelles ont trouvé leur but du fait de l’avènement de la puberté d’où la nécessité de : renoncer aux objets oedipiens, élaborer ou sublimer l’homosexualité. Sont mis en crise les organisations infantiles du fonctionnement psychique : Moi, Surmoi, Idéal du Moi.
Il est nécessaire que les parents lui permettent d’accéder aux changements psychiques, car le jeune est troublé par les changements physiques et sa recherche d’identité :
Le travail de deuil de l’enfance nécessite le soutien des parents.
L’ado a un rapport complexe avec la mort, il est à la fois fasciné par elle et craint sa proximité. Ses questions, ses pensées sont semblables à celles des enfants et des adultes dans sa logique, ses constructions fantasmatiques mais non dans leurs formulations et leur habillage imaginaire :
Les survivants doivent porter un regard nouveau sur le défunt. L’ado effectue des va et vient entre :
D’où la révolte nécessaire pour dé-investir et ré-investir les parents autrement.
Il y a certaines ressemblances avec le travail du deuil des enfants.
On voit en effet des adolescents apathiques, apparemment sans émotions. D’autres vont s’enfoncer dans des conduites à risques tout en me montrant pas d’émotions apparentes. D’autres encore vont se réfugier dans un travail intense (hyperactivité : un élève moyen devient un très bon élève).
On parle aussi en ce qui les concerne de deuil différé… Le risque d’une décompensation ou d’une dépression peut venir plus tard (ex première naissance… Les perturbations du deuil d’un adolescent dépendront des défenses disponibles, et des exigences du monde extérieur.
L’angoisse peut conduire :
Les risques sont :
Le deuil est perturbateur durant l’adolescence lorsqu’il vient réactiver des conflits oedipiens insuffisamment élaborés.
Il peut aussi de part la régression qu’il demande être, s’il est bien accompagné, un facteur de maturation.
Les facteurs facilitant le travail de deuil de l’ado sont les suivants :
Il y a en fait pour les ados, comme pour d’autres personnes en deuil :
1° une période de confrontation à la perte
2° un besoin de temps : l’ado arrive en son temps accéléré ou ralenti, le deuil à contretemps, suspendu
3° une période de travail psychique intense, personnel avec des pensées récurrentes concernant la mort, goût du risque
4° une mise à l’épreuve de la toute puissance
5° un passage à l’acte pour les deux mais avec but différent
6° des modifications des investissements : pour l’ado en présence de ses parents, pour l’endeuillé seul avec ses images internes.
Demande : acceptation des limites / acceptation des changements / un mouvement dépressif du deuil / sur le plan narcissique : dé-idéalisation / la présence de l’autre.
Les spécificités du travail de deuil à l’adolescence sont donc :
On peut constater aussi une culpabilité particulièrement tenace car réactivation si c’est un parent qui a disparu de la culpabilité oedipienne (sentiments de haine à l’égard de la personne décédée selon Winnicott).
Cette culpabilité est en rapport avec l’ambivalence des relations mais aussi avec leurs sentiments de toute puissance.
En cas de perte d’un parent par suicide, des difficultés au niveau des identifications sont possibles.
En cas de perte d’un frère ou d’une soeur, l’inflation de l’amour et de la haine peut entraver le travail du deuil d’autant que l’ado doit vivre avec un ou des parents endeuillés. L’entourage se préoccupe plus des parents (de la mère, notamment) que de l’ado.
Lors de deuils, les personnes de grand âge décompensent souvent et des affections chroniques en cours, bien tolérées jusque-là, peuvent s'amplifier ou entraîner des perturbations somatiques.
L'aide aux personnes âgées en deuil, peut-être davantage que pour tout endeuillé, s'apporte dans le respect de leurs sentiments et de leurs émotions.
Nous sommes souvent démunis devant le deuil des personnes âgées, surtout lorsqu'elles ont tendance à réfléchir et à faire allusion à leur propre mort, ce qui nous place parfois dans une situation délicate. Le malaise que l'on ressent alors provient en grande partie du fait que dans notre société, la mort est un sujet tabou dont on ne parle le moins possible - surtout pas devant une personne susceptible de mourir dans un avenir prévisible - tandis que la tristesse est un sentiment dont nous devons nous défaire à tout prix, le plus rapidement possible. Pourtant, ce sont précisément ces tabous qu'il faut surmonter si l'on veut aider une personne âgée en deuil.
La présence et l'écoute sont deux éléments majeurs de l'aide que l'on peut apporter à une personne âgée en deuil : ne pas s'enfuir, et lui permettre d'exprimer sa tristesse et ses sentiments constitue une aide affective importante. Bien entendu, il ne s'agit pas de forcer une personne à parler de la mort ou de son deuil, mais plutôt de ne pas bloquer de telles discussions simplement parce que cela nous indispose. La tristesse est un sentiment normal et sain ; tenter de la faire « disparaître » prématurément a généralement l'effet inverse : la personne âgée a l'impression que sa tristesse dérange, elle se sent incomprise et cela l'attriste encore plus.
Y a-t-il des spécificités pour les personnes en situation de handicap ? On se heurte à des freins pour accompagner les personnes en situation de handicap intellectuel.
Il y a en effet de nombreux préjugés et tabous (volonté des familles de protéger le parent déficient, peur des soignants confrontés à leur propre représentation et de la mort et du handicap…) cela se traduit par :
Trois moments sont mis en avant où il faut particulièrement être vigilant :
Les répercussions de la perte du père ou de la mère sont difficiles, mais aussi celle d'un autre membre de la famille proche ou d'autre résident (quand l'endeuillé vit dans un établissement spécialisé).
Les réactions affectives immédiates, lors de l’annonce du décès, dépendent de la capacité intellectuelle ou de la compréhension de l’événement par l'endeuillé hadicapé, déficient intellectuel, mais aussi de la manière dont il est ou non informé de l’évolution d’une maladie grave d’un proche, et de l’imminence d’un décès dans sa famille ; si la personne déficiente intellectuelle n’est pas informée, cela peut conduire à un pré-deuil qui risque de compliquer ultérieurement le deuil.
Il est également important de savoir si l'endeuillé handicapé est ou non associé aux rites funéraires. L’incertitude sur les réactions potentielles de l’endeuillé, le doute sur l’attitude à tenir (difficulté à aborder des questions qui relèvent de l’intimité des intéressés – regret de s’être abstenu d’aider davantage) n’empêche pas l’écoute et la disponibilité des équipes mais on relève des difficultés à se mettre en position active et sollicitante,
La mort n’a guère de place dans l’accompagnement ordinaire des personnes handicapées et n’est abordée que dans un climat émotionnel fort, lorsque les événements y contraignent.
Un appel à l’association, par la famille ou un professionnel (en cas de mort d’un résident, de la famille d’un résident, d’un membre du personnel) est à recommander.
Les bénévoles inciteront la personne endeuillée handicapée à exprimer ce qu’elle ressent, l’aideront à saisir ce qui lui arrive (support de photos, visites au cimetière, de livres… Boite à souvenirs – boite à chagrin).
Toutes les personnes fragiles de manière habituelle ou fragilisées temporairement par des circonstances particulières, que ce soit sur le plan de la santé physique, de l’équilibre mental ou de l'insertion sociale sont sujettes à ressentir plus durement les effets traumatisants du deuil.
Les personnes à risque particulier sont aussi :
On appelle deuil périnatal le deuil qui survient après le décès d’un bébé in utero, à la naissance, dans les jours ou les semaines après sa naissance.
Au sens strict du terme, la période périnatale s’étend de la 22e SA au 7e jour après la naissance (cf. définition reprise par l’Organisation mondiale de la santé – OMS).
Dans la réalité du vécu des parents pourtant, le deuil périnatal couvre une période beaucoup plus large et une multitude de situations différentes : fausse couche tardive, mort fœtale, interruption médicale de grossesse, extrême prématurité, décès du bébé pendant l’accouchement, décès postnatal, décès dans la période néonatale, voire dans les semaines qui suivent, décès d’un jumeau…).
Pour les fausses couches précoces (1er trimestre de la grossesse), beaucoup de professionnels parlent plutôt de deuil de maternité, ce qui peut être ni moins douloureux, ni plus facile à traverser. Car il n’y a pas d’échelle dans la souffrance pour les parents !
Si le deuil périnatal est vraiment sorti du tabou qui l’empêchait d’être reconnu comme un deuil à part entière, il gardera toujours une dimension d’impensable, d’inacceptable, dans un pesant silence pour l’entourer. Un bébé n’étant pas fait pour mourir, mais vivre avec ses parents et sa famille la vie qu’ils rêvaient de partager avec lui, on n’aime pas parler de sa mort tant elle fait peur. Du coup, ce silence autour des parents en deuil fait encore souvent penser à un tabou et les renvoie à une profonde solitude !
Le deuil périnatal est un deuil très douloureux à affronter, avec une impression de vide en soi, avec le ressenti d’être amputé d’une part de soi, d’être anéanti et submergé par un chaos d’émotions dont on ne voit pas comment on va pouvoir s’en sortir.
Ce deuil périnatal est aussi très complexe à traverser, face aux semaines et aux mois qui passent après cette perte et renvoient à l’absence de l’enfant qui aurait dû occuper cette vie-là. Mais aussi en raison de tout ce qu’il suscite en fortes émotions chez tous les parents (colère, infinie tristesse, culpabilité, jalousie, déconsidération de soi…).
Avec l’épuisement physique et les phases de dépression que l’on retrouve dans tout deuil, on comprend mieux pourquoi le deuil périnatal est aussi éprouvant à vivre et parfois long à traverser.
Bien sûr, chaque parent, chaque couple, chaque famille vivra différemment cette traversée.
(D’après le site SPAMA - janvier 2024)